Journées internationales d'Analyse statistique des Données Textuelles
7-10 juin 2016 Nice (France)
Le pouvoir attracteur de 'mais' sur le paradigme des adverbes épistémiques : du quantitatif au qualitatif
Corinne Rossari  1, *@  , Annalena Hütsch  1, *@  , Claudia Ricci  1, *@  , Margot Salsmann  1, *@  , Dennis Wandel  1, *@  
1 : Université de Neuchâtel (Projet FNS 100012_159458, La représentation du sens modal et de ses tendances évolutives dans deux langues romanes : le français et l'italien)
* : Auteur correspondant

Nous partons de données quantitatives qui montrent que certaines formes à valeur épistémique, comme ‘certes', ‘peut-être', ‘sans doute', interviennent plus fréquemment que d'autres dans le voisinage de ‘mais'. Notre recherche quantitative s'appuie sur la description de la séquence concessive proposée dans Rossari (à paraître)[1] selon laquelle ‘mais' crée un contraste énonciatif entre les deux unités linguistiques qu'il articule. Ce contraste est propice à l'interprétation concessive lorsque la première unité est interprétée comme un présupposé discursif, à savoir qu'elle introduit un contenu présenté comme faisant déjà partie du background avant son énonciation. Nous cherchons à voir s'il y a une corrélation entre la fréquence de ces trois formes dans l'environnement gauche de ‘mais' et leur propension à faciliter une lecture concessive.

Notre étude fait apparaître des différences dans la capacité d'une certaine forme épistémique à intervenir dans le voisinage de ‘mais', différences qui sont difficilement corrélables à des caractéristiques sémantiques propres aux formes elles-mêmes. Par exemple, ‘peut-être' et ‘sans doute' – deux adverbes situés à deux pôles opposés concernant l'évaluation de la vérité (faible du côté de ‘peut-être' et forte du côté de ‘sans doute') – sont les plus fréquents dans l'environnement gauche de ‘mais' (après ‘certes'). Une étude qualitative montre que, similairement à ‘certes', ils paraissent changer de signification quand ils sont dans le voisinage de ‘mais' : ‘peut-être' n'exprime plus une hypothèse mais qualifie un état de choses qui ne fait aucun doute et ‘sans doute' à l'inverse peut insinuer un doute à propos d'un état de choses qui, a priori, ne fait pas l'objet d'une quelconque contestation. Dans l'exemple suivant, ‘peut-être' exprime le doute et ‘sans doute' la certitude.

- Paul viendra ?

- Peut-être / Sans doute

Mais dans certaines configurations où ils précèdent ‘mais', leur polarité change :

- Je suis peut-être une femme, mais j'aime la mécanique

Dans cet exemple, l'emploi de ‘peut-être' ne met pas en doute le sexe de la locutrice, alors que ‘sans doute' le fait, contrairement à ce qu'on attendrait :

- ??Je suis sans doute une femme, mais j'aime la mécanique

Dans une configuration avec ‘mais', ‘sans doute' peut jeter la suspicion sur un état de choses :

- Paul a enfin compris le problème

- Paul a sans doute compris le problème, mais il n'a pas trouvé la solution

Le voisinage de ‘mais' semble donc exercer une influence sur le sens que l'adverbe prend.

Pour calculer ces fréquences, nous avons utilisé la plateforme BTLC, développée à Cologne, qui comprend une série de corpus annotés. Elle permet la recherche d'unités lexicales et grammaticales, associée à la possibilité de définir les spécifications de leur usage dans différents genres de discours.

Notre but est d'identifier les raisons des associations privilégiées entre ‘mais' et une certaine forme adverbiale, en prenant en compte le statut de présupposé d'un contenu interprété comme concessif.


[1] Rossari Corinne (à paraître), « La présupposition dans les structures concessives », in La Présupposition entre théorisation et mise en discours, Amir Biglari, et Marc Bonhomme (éds.), Paris, Classiques Garnier.


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