Journées internationales d'Analyse statistique des Données Textuelles
7-10 juin 2016 Nice (France)
Exploration textométrique des évolutions de l'éditorial (1890-2015)
Lethier Virginie  1@  , Cyrielle Montrichard  1, *@  
1 : Edition, Littératures, Langages, Informatique, Arts, Didactique, Discours [Besançon]  (ELLIADD)  -  Site web
Université de Franche-Comté : EA4661
30 rue Mégevand, 25030 Besançon cedex -  France
* : Auteur correspondant

Le genre noble de l'éditorial a suscité la production d'une importante littérature en analyse du discours (Lee, 1999 ; Herman & Jufer, 2001 ; Koren, 2004 ; Guilbert, 2011). Ces travaux s'accordent pour pointer les paradoxes de l'éditorial : historiquement supposé être une « vitrine idéologique », l'éditorial est désormais relégué en page intérieure ; il n'est plus le fait d'une rédaction mais d'un individu dont la signature est exposée ostensiblement. Bien que signé, l'éditorial serait aujourd'hui un lieu d'expression caractérisé par une forte désinscription énonciative. Donnant jadis à lire la position d'un journal d'opinion, l'éditorial serait devenu « depuis la fin du XXe siècle » (Herman, 2004) l'expression d'une doxa.

Il est intéressant d'observer que les réflexions des analystes du discours sur l'éditorial, alors qu'elles sont issues d'approches synchroniques d'échantillons – souvent très restreints – d'éditoriaux publiés entre 1990 et 2000 ne cessent de mettre en relief les fonctionnements énonciatifs et argumentatifs de ce genre sur la base d'une comparaison avec un état antérieur de l'éditorial. Or, il n'existe, à notre connaissance, aucune recherche d'ampleur décrivant les stratégies énonciatives et argumentatives activées dans les éditoriaux antérieurs à 1980.

Notre contribution se propose ainsi d'adopter une perspective diachronique et d'interroger les métamorphoses de l'éditorial dans la presse française entre 1890 – date à laquelle la pratique de l'éditorial se développe (Vaillant, 2012) – et 2015 – date à laquelle s'accentue le mouvement d'abandon pur et simple de l'éditorial par la presse française. A cet effet, nous avons constitué un vaste corpus d'éditoriaux (signalés en tant que tels) publiés dans une dizaine de journaux (La Croix, Le Temps, Le Monde, Le Figaro, Libération, Ouest-France, Sud-Ouest, L'Est Républicain, etc.). Ces articles ont été sélectionnés à partir d'une pratique d'échantillonnage (1890, 1910, 1935, 1955, 1975, 1995, 2015) selon un intervalle de sondage suffisamment large pour couvrir une période étendue, tout en autorisant un maillage suffisamment fin pour embrasser les grands événements socio-historiques du XXe siècle et les tournants repérés par les historiens du journalisme. La structure compositionnelle (ou plan de texte) de chaque article a été balisée selon les normes XML-TEI de sorte à permettre un examen pleinement textuel des stratégies argumentatives mises en œuvre dans ce genre journalistique.

Deux objectifs majeurs président à notre approche textométrique de ce corpus dont la taille avoisine les 500 000 occurrences :

  • Il s'agit tout d'abord de vérifier la pertinence des hypothèses formulées par l'analyse du discours et d'affiner ses périodisations socio-historiques, en nous basant sur un large corpus sur lequel seront opérés des relevés systématiques, permettant d'interroger des niveaux de structuration résistants à une approche non-outillée des corpora (i.e. niveau grammatical). Notre démarche, fondamentalement exploratoire, visera à faire émerger du corpus lui-même ses propres saillances, pour ensuite les faire dialoguer avec les propositions de l'analyse du discours, et en particulier avec la notion d'effacement énonciatif (Rabatel, 2004).

 

  • Il s'agit ensuite de tester l'hypothèse selon laquelle le paradigme communicationnel (presse d'information vs d'opinion), le type de presse (PQR vs PQN) et la ligne éditoriale du journal sont des facteurs qui déterminent d'importantes variations (thématiques, énonciatives, argumentatives). 

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